Sens,  Usure

15 raisons de soutenir la grève des travailleurs sociaux

Dans mon dernier poste salarié, il y avait un de mes collègues qui vivait dans une chambre de bonne parisienne à la limite de l’insalubrité. Cela m’a longtemps choquée qu’un professionnel investi dans la solidarité, la lutte contre le sans-abrisme – plus de 40 heures par semaine (ça c’est le temps officiel)- vive lui-même dans des conditions précaires. 

Moi-même quand j’ai commencé en gagnant 1253 euros net par mois et habitant Paris, mon reste à vivre (une fois que toutes les charges de logement, alimentaire, transport, etc.) était de 90 euros.

 

En effet, travailleurs sociaux – célibataires – parisiens – début de carrière –

sont 4 facteurs cumulés d’une situation de précarité ou l’approchant.

 

De plus, la semaine dernière lors d’une formation, une participante, travailleuse sociale dans un CADA (Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile) témoignait : 

“Nous faisons régulièrement remonter à notre direction que les chambres de l’hébergement sont insalubres (lambeaux de peinture, fuites d’eau, mobilier cassé…). Ce à quoi notre directeur nous a répondu à plusieurs reprises :

“Avec tout ce qu’ils ont déjà traversé, ils ne sont plus à ça près.” »

 

Enfin, à un autre moment au cours des premières semaines de 2022, lors d’une relecture de pratiques d’une équipe, les participants viennent d’apprendre par email que le service sera réorganisé la semaine suivante. Information reçue, quelques heures plus tôt, ils en sauront plus en fin de semaine lors d’une réunion à distance avec le comité de direction. 

 

 

Plusieurs situations qui font naître chez moi de la colère, de l’insécurité, du désarroi aussi !

 

Et toi, ça te fait quel effet de lire ça ?

 

 

Alors vraiment ! Quand mardi matin, j’ai animé une formation avec des travailleurs sociaux qui les uns et les autres annonçaient avec gravité leur entrée en grève, je me suis arrêtée pour écrire quelques mots. Ecrire dans l’intention de les publier, afin de faire part de mon soutien à tous ces professionnels désabusés. Ecrire aussi pour sensibiliser le plus grand nombre aux conditions de travail et de vie méconnues de cette partie de la population active.

 

 

Depuis la crise sanitaire, il y a une crise – dont les prémisses étaient déjà bien présents – qui prend de l’ampleur dans le secteur social : 

  • moins de professionnels,
  • des personnes à bout,
  • moins d’élèves dans les écoles,
  • des professionnels au delà de mal dans leurs baskets – en souffrance,
  • des restructurations à n’en plus finir,
  • un besoin énorme de reconnaissance et de sens,
  • des salaires bas en début, milieu et fin de carrière, qui peuvent générer de la précarité selon les conditions de vie, l’environnement habité,
  • une forte demande de quantification de l’action,
  • des moyens humains et matériels pressurisés,
  • et tout cela avec une augmentation des situations de pauvretés, des changements de visages de la précarité…

 

De l’épuisement clairement. 

De la perte de sens aussi.

Et finalement un besoin de soutien qui ne trouve pas d’écoute.

 

 

Comment faire son métier humain qui par définition aurait besoin de temps, d’aisance, de sécurité, dans un environnement aussi instable ? 

 

 

Alors, chose rare pour cette profession, au mois de décembre, les travailleurs sociaux ont pris le chemin de la rue pour manifester et signifier leur colère – on ne parle plus de mal-être et de difficultés-. Ils ont recommencé le 1er février et recommenceront au moins jusqu’au 18 février, date de la prochaine conférence des métiers du social et du médico-social au ministère de la santé et des solidarités. 

Affaire à suivre donc.

 

 

En attendant, voici 15 raisons de soutenir cette grève ! 

 

 

Aujourd’hui, ce 1er février, je soutiens la grève des travailleurs sociaux :

 

Parce que 

 

. La précarité, le niveau de pauvreté augmentent et les inégalités prospèrent.

. L’ambiance politique et sociétale est mauvaise et ne laisse pas entrevoir les lendemains qui chantent.

. Il y a une inadéquation entre les valeurs d’accompagnement, de dignité, d’humanité, d’égalité ET les coupures de financements, le système d’appels à projets pour le soin et le social, ou encore les groupements financiers dans le secteur social.

. Les valeurs deviennent des mots valises et perdent leur sens au fur et à mesure des politiques publiques, économiques sociales et des plans pauvreté.

 

Parce que 

 

. Vous êtes les accompagnateurs, tuteurs, liens invisibilisés des invisibles.

. Vous souffrez dans vos missions et de ne pas pouvoir accompagner avec des moyens permettant la dignité des personnes et la vôtre.

. Vous avez besoin d’écoute, de soutien, de reconnaissance.

. Vous vous levez tous les matins pour accompagner, soutenir, occuper, prendre soin d’enfants, de jeunes, d’adultes, d’hommes et de femmes qui vivent des situations d’exclusions, de précarités et de souffrances.

. Vous êtes sous-payés par rapport à la valeur humaine que vous créez.

. Vous croyez que c’est possible de faire autrement. D’accueillir dignement. De reconnaître l’existence de chacun. De réhumaniser les dispositifs. De sortir des cases pour accompagner globalement.

. Tout le monde admire ce que vous faites. Mais personne ne sait qu’il ne sera plus possible de le faire si tableurs, comptes, quantités, nombre de sorties viennent remplacer liens, animation, accompagnements, relations, rencontres, humanité.

 

Parce que 

 

. Nous avons bien compris qu’il n’y aura pas de grand soir en tout cas pas celui-là et pas encore celui dont nous avions rêvé.

. Nous souhaitons faire notre travail d’accompagnement dans les conditions qui nous permettent de le faire correctement et dignement.

. Nous devons nous battre pour la justice sociale, pour la vie digne et pour faire vivre le lien avec chaque personne présente sur notre territoire.

. Nous pensons que chaque personne a de la valeur. Et chacun a droit à un lieu de vie sécurisé et sécurisant, un accompagnement à la mesure de ses besoins, une reconnaissance administrative, etc.

 

 

Oui ! Pour toutes ces raisons, je soutiens la grève des travailleurs sociaux. 

Et toi ?

 

 

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