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Le pouvoir magique de l’écoute

“M’écouter. C’est déjà ça. Oui, m’écouter sans jugement”

 

Il y a deux ans pendant le premier confinement. J’ai écrit à mon réseau pour proposer une écoute gratuite, en ligne, à l’attention des bénévoles et salariés qui continuaient d’agir et/ou de faire leur travail auprès des plus fragiles.

 

« La journée, ça va. »

 

J’ai eu une dizaine de personnes en ligne. 

 

L’une d’elle m’a dit 

“La journée, ça va. Je suis en équipe, je vois des gens, je fais mon métier, un travail que j’aime. C’est le soir que c’est plus difficile, quand je me repasse tout le film de la journée… Je me reprends tout en pleine figure. »

 

Toute personne travaillant dans le social, la solidarité ou le soin, connaît cette sensation ! non ?

 

Cette sensation qui, à la fin d’une journée, nous cloue dans un canapé ou dans un fauteuil, à ne rien faire, et en ayant quand même toujours l’impression d’être en action…

Qui ne se repasse pas le film de la journée, des rencontres, des mots échangés ou des émotions planantes ?

Lequel d’entre nous sait toujours quoi faire de tout ça ? 

Qui aimerait pouvoir éteindre son cerveau ? 

 

Et, en temps de crise, c’est décuplé. C’est décuplé, parce qu’il y a des tensions supplémentaires, liées à la peur, la colère, l’anxiété ou l’impuissance. Les siennes et celles des autres, celles de tous les autres. Donc le soir, alors qu’elle a “masterisé” toute la journée, quand cette personne rentre à la maison, que son cerveau rallume le film de la journée, elle se sent seule, dépassée, pas prête… Elle a peur pour elle. Peur de mal faire son travail. Et, peur de ne pas dire les bons mots aux bonnes personnes, parce qu’elle doit faire vite et bien. 

Et, tout cet encombrant lui revient comme une gifle ou un saut d’eau en pleine figure. Alors le dire quelque part, c’est déjà un peu s’en débarrasser !

 

“Comment puis-je vous aider ?”

 

A la question,

« comment puis-je vous aider pendant cette période ? » 

une autre personne m’avait répondu : 

« M’écouter. Oui, m’écouter râler sur les incohérences des consignes dans ma structure, sur ma journée difficile, sur mes peurs, sur ce quotidien qui m’oppresse. Oui, m’écouter sans jugement sur ce que je dis. Ce que vous faites là. Déjà. C’est énorme. »

 

Cette femme a saisi ce lieu d’écoute, parce qu’il n’y avait pas de lieu dans son quotidien, où elle arrivait à dire ce qu’elle pensait, ce qui l’encombrait, sans se sentir entendue. 

Ce n’est pas étonnant quand on y pense. Les collègues sont dans le même bateau. Les personnes accueillies vivent du mieux qu’elles peuvent la situation. L’institution tente de gérer la crise. Les membres de la famille sont contents de la retrouver elle et non la professionnelle quand elle rentre.

Il n’y a pas la place pour sa colère dans son quotidien, ni pour ses peurs, encore moins pour son sentiment d’impuissance ou celui de la culpabilité de ne pas faire plus ou assez. Alors ses émotions restent des jours durant, confinées dans sa poitrine. 

 

Alors, pouvoir dire quelque part …

 

Pouvoir dire sans peur de blesser, sans peur de ne pas être adapté.e, sans peur d’être jugé.e. 

Dire et se sentir accueilli.e quand même…

Mettre des mots sur ce qu’on a sur le cœur, dans le corps et dans l’esprit, pour s’en décharger…

Dire afin que ces poids reposent quelque part, dans les bras de quelqu’un d’autre, celui ou celle qui aidera à porter, à digérer ou à se débarrasser des encombrants.

 

 


“M’écouter sans me juger”, 

a pour revers de la même médaille :

“pouvoir dire sans avoir peur”.

 

et c’est la magie de l’inconditionnalité.

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