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Une leçon de pleine présence

Lison.

Tu as deux ans. 

Je t’observe et j’apprends de toi. Ou peut-être que je réapprends, puisqu’il y a quelque chose qui a l’air d’être de l’ordre de l’inné. Toujours est-il que du haut de tes deux petites années, je prends une leçon de pleine présence.

 

Je le vois, tu sais t’y prendre pour consoler. Ta présence est pleine, juste, puissante, humble. 

Tu n’as pas de mots. Pas encore, pas complètement. Pas ceux que je dégainerais direct dans la même situation. Visiblement tu n’en as pas besoin.



Hier soir encore, tu as agi. 

 


Quand tu as entendu ta grande soeur pleurer, tes antennes de lien se sont affolées. Je t’ai vue faire trois fois le tour de la pièce pour chercher Apolline alors qu’elle était encore à l’étage. Il était de plus en plus urgent pour toi d’agir, de voir ce qui se passe, de comprendre pourquoi les larmes de ta grande soeur coulaient si fort. Apolline pleurait à chaude larme, vexée de devoir quitter les cousins, sa cousine. Première sortie de déconfinement. C’était trop court, pas assez long, trop intense, trop d’informations pour ses 4 ans et demi. Et toi, Lison tu ne t’es pas laissée démonter par ce flot de tout. 

 

Apolline a descendu les marches. Tu l’attendais en bas, im-patiemment, avec le respect de son espace. Tu ne lui as pas sauté dessus, pourtant je t’ai observée, ce n’est pas l’envie qui semblait te manquer. Tu as attendu qu’Apolline s’asseye sur la première marche des escaliers pour lacer ses chaussures. Et enfin, tu t’es assise près d’elle doucement. Doucement, tu as posé ta petite main sur son épaule remuée par les sanglots.

Tu n’as rien dit. Rien.

 

Et pourtant, 24 heures sur 24 avec toi depuis deux mois, nous savons que tu sais utiliser le langage en d’autres circonstances. Le tien. Le nôtre. Celui des enfants. Un mélange. Rien ne t’arrêtes. Mais là, tu n’en as pas besoin.

Pendant tout ce temps, tu regardais Apolline avec compassion et mettais toute ton énergie dans ta présence soutenante. 

Ta douceur était visible. Ta tendresse enveloppante. Ton énergie de présence était palpable même. J’aurais pu, si j’avais approché ma main, toucher les contours de cette énergie contenante avec laquelle tu as enrobé ta grande soeur.
En même temps qu’elle finissait d’enfiler ses chaussures, Apolline a profité de ces quelques instants de soutien. Elle a finalement séché ses larmes. Elle t’a regardée dans les yeux. Consolée. Fin prête. Après un imperceptible commun accord, Apolline s’est dressée, ragaillardie à la mesure de son besoin. Et toi, Lison tu es repartie, m
ission accomplie. 

Mission accomplie.

 

Ce n’est pas un acte isolé, c’est récurrent. Tu as une antenne à émotions. C’est même une arme fatale en ces temps où les émotions sont vives et fortes, où chacun de nous prend l’ascenseur émotionnel une ou deux fois (si ce n’est plus les bons jours ! ) par jour. Il n’y a pas si longtemps, la maman confinée / déconfinée / reconfinée que je suis, a bénéficié d’un enlacement doux et puissant de la jambe droite. Alors que je perdais pieds dans cette situation complexe, je me suis arrêtée de pleurer, attendrie et surtout enveloppée par ta tendresse.

 


Pas de mots.
De la tendresse.
Du lien.
De la douceur.
De la compassion.
Un geste.
De l’empathie.

 

Pas seulement une leçon donc. Une recette qui marche.

 

4 Comments

  • Gomis Alice

    Si petite Lison avec déjà cette capacité à être si pleinement humaine et à décoder avec une sensibilité puissante les émotions des personnes autour d’elle…Je suis convaincue que nous naissons avec cela avec de divers degrés d’expression selon nos histoires, nos lieux de vie. Qu’est ce qui peut nous fait perdre, désactiver ou modérer cette belle sensibilité en prenant de l’âge ?cette connexion aux autres? Beau texte …

    • AnnePaule

      Merci Alice pour ce petit mot.
      Oui il y a de ce que tu dis chez les enfants, une sorte de sensibilité innée qui les dépasse et qui les rend très connectés aux autres.
      C’est une bonne question, qu’est-ce qui nous éloigne de ça ?

  • Carine

    Merci, Anne-Paule pour ce texte. J’en suis toute émue par sa simplicité, et celle de ce geste. Reste donné, reste reçu. Juste ce qu’il faut.

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