Dans mon dernier poste salarié, un de mes collègues vivait dans une chambre de bonne parisienne à la limite de l’insalubrité. Cela m’a longtemps choquée qu’un professionnel investi dans la solidarité, la lutte contre le sans-abrisme — plus de 40 heures par semaine (et ça, c’est le temps officiel) — vive lui-même dans des conditions précaires.
Moi-même quand j’ai commencé en gagnant 1253 euros net par mois et habitant Paris, mon reste à vivre (une fois que toutes les charges de logement, alimentaire, transport, etc.) était de 90 euros.
travailleur.se social.e – célibataire – parisien.ne et début de carrière sont 4 facteurs cumulés d’une situation très proche de la précarité.
Je me souviens d’une participante d’une de mes formations, travailleuse sociale dans un CADA (Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile) témoignant :
« Nous faisons régulièrement remonter à notre direction que les chambres de l’hébergement sont insalubres (lambeaux de peinture, fuites d’eau, mobilier cassé…). Ce à quoi notre directeur nous a répondu à plusieurs reprises : « Avec tout ce qu’ils ont déjà traversé, ils ne sont plus à ça près.» »
J’apporte mon soutien car Toutes ces situations font naître chez moi de la colère, de l’insécurité et du désarroi.
Alors, par ces quelques mots, je souhaite apporter mon soutien à toutes et tous les travailleur.ses sociaux qui se mettent en grève. Je partage aussi ces quelques mots dans l’espoir de sensibiliser le plus grand nombre aux conditions de travail et de vie méconnues de ces professionnel.les désabusé.es.
Depuis la crise sanitaire, et encore aujourd’hui, il y a une crise (dont les prémices étaient déjà bien présents), qui prend de l’ampleur dans le secteur social :
- moins de professionnel.les ;
- des personnes à bout ;
- moins d’élèves dans les écoles ;
- des professionnel.les en souffrance ;
- des restructurations à n’en plus finir ;
- un besoin énorme de reconnaissance et de sens ;
- des salaires bas au début, milieu et fin de carrière, qui génèrent de la précarité selon les conditions de vie et l’environnement habité ;
- une forte demande de quantification de l’action ;
- des moyens humains et matériels préssurisés ;
- le tout avec une augmentation des situations de pauvretés et un changement de visage de la précarité ;
De l’épuisement, de la perte de sens, un besoin de soutien qui ne trouve pas d’écoute. Comment faire son métier humain qui par définition aurait besoin de temps, d’aisance, de sécurité, dans un environnement aussi instable ?
Voici 15 raisons de soutenir la grève des travailleur.ses sociaux :
- La précarité, le niveau de pauvreté augmentent et les inégalités prospèrent.
- L’ambiance politique et sociétale est mauvaise et ne laisse pas entrevoir les lendemains qui chantent.
- Il y a une inadéquation entre les valeurs d’accompagnement, de dignité, d’humanité, d’égalité ET les coupures de financements, le système d’appels à projets pour le soin et le social, ou encore les groupements financiers dans le secteur social.
- Les valeurs deviennent des mots valises et perdent leur sens au fur et à mesure des politiques publiques, économiques, sociales et des plans pauvreté.
- Vous êtes les accompagnateur.rices, tuteur.rices : liens invisibilisés des invisibles.
- Vous souffrez dans vos missions et de ne pas pouvoir accompagner avec des moyens permettant la dignité des personnes et la vôtre.
- Vous avez besoin d’écoute, de soutien, de reconnaissance.
- Vous vous levez tous les matins pour accompagner, soutenir, occuper, prendre soin d’enfants, de jeunes, d’adultes, d’hommes et de femmes qui vivent des situations d’exclusions, de précarités et de souffrances.
- Vous êtes sous-payés par rapport à la valeur humaine que vous créez.
- Vous croyez que c’est possible de faire autrement : d’accueillir dignement, de reconnaître l’existence de chacun, de réhumaniser les dispositifs, de sortir des cases pour accompagner globalement.
- Tout le monde admire ce que vous faites. Mais personne ne sait qu’il ne sera plus possible de le faire si tableurs, comptes, quantités, nombre de sorties viennent remplacer liens, animation, accompagnements, relations, rencontres, humanité.
- Nous avons bien compris qu’il n’y aura pas de grand soir, en tout cas pas celui-là et pas encore celui dont nous avions rêvé.
- Nous souhaitons faire notre travail d’accompagnement dans les conditions qui nous permettent de le faire correctement et dignement.
- Nous devons nous battre pour la justice sociale, pour la vie digne et pour faire vivre le lien avec chaque personne présente sur notre territoire.
- Nous pensons que chaque personne a de la valeur. Et chacun, a le droit à un lieu de vie sécurisé et sécurisant, un accompagnement à la mesure de ses besoins, une reconnaissance administrative, etc.
Oui, pour toutes ces raisons, je soutiens la grève des travailleur.ses sociaux. Et c’est que fait Osons la Relation dans ces différentes propositions d’accompagnements et de formations.