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par | 23 Août 2024 | Posture d'accompagnement

Dans les accompagnements d’équipe que je fais, pour des bénévoles ou des professionnels, j’entends souvent cette question en filigranne :

« Est-ce que c’est vraiment comme ça que cela doit se passer ? »

Et derrière cela, j’entends :

  • « Comment arrête-t-on la violence ? »
  • « Qu’est-ce qu’un accompagnement qui remet debout ? »
  • « Je ne m’attendais pas à ce public avec ces problématiques-là. »
  • « Je suis là, sa.son travailleur.se social.e, il devrait me faire confiance puisque je suis là… »

Je rêvais d’une harmonie…

Je me souviens du temps où, responsable d’un accueil de jour parisien à proximité de la Gare du Nord, je rêvais d’une harmonie, d’un lieu parfait, d’une partition où chacun.e saurait ce qu’il a à faire au moment opportun… Je rêvais de cela pour mon équipe bien sûr, mais surtout pour les personnes accueillies !

Je rêvais que JP garde sa carte d’identité, que Mustapha arrête de crier le vendredi après-midi, que Pierre reste dans son hébergement plus d’une nuit et que Malik boive moins d’alcool. Je rêvais que Fatima soit moins à l’ouest, et que Pierrot fasse des phrases de plus de 3 mots. Je rêvais aussi de moins de cris, de peurs et d’altercations, de moins d’impuissances et de moins d’échecs.

Je rêvais tant et si bien que chaque situation de violence, chaque écart de la partition venait me gêner, me déranger, me prendre de plein fouet dans cette symphonie idéale que je me jouais !

(Et Dieu sait que j’ai souffert de cela ! euh et mon mari le sait aussi ! ^^)

Jour après jour…

Ouverture après ouverture, accueil après accueil, jour après jour, prise de recul après prise de recul, j’ai fini par intégrer que ce n’est pas nous – les accueillants – qui écrivons la partition. Nous n’avons pas la main sur le rythme, les notes ou les tons. Nous sommes les portées et la clé. Le rythme, les notes et le ton étant la partie des personnes accueillies, de leur comportement, leurs fracas et happenings de la précarité !

Le début d’une nouvelle ère !

C’est en ne voulant plus supprimer à tout prix la violence, les violents et les faits de violence, que les incidents ont diminué.

C’est en ne voulant plus absolument créer du lien, que les liens se sont noués là où on ne les attendait plus.

C’est en ne voulant plus vivre des accompagnements parfaits, que les personnes ont commencé à se saisir de nos propositions.

C’est en ne voulant plus, coûte que coûte, que les personnes puissent se reposer dans notre lieu d’accueil, que certains ont fini par s’y endormir et lâcher prise.

Et pour ce faire, nous n’avons pas changé d’intention, l’idée étant d’offrir un espace chaleureux de pause de la rue pour les personnes sans domicile du quartier.

Nous avons lâché prise…

Nous avons abandonné la maîtrise et nous nous sommes outillés pour :

  • pouvoir accueillir tout le monde ;
  • réceptionner la violence pour la transformer ;
  • trouver la patience de créer des liens petit pas après petit pas ;
  • créer des moments de joie, de partage et de convivialité ;
  • laisser la place à toutes les émotions, dites ou non dites ;
  • faire un accompagnement juste à tenir sur la durée ;

Moins souffrir du décalage entre la réalité et le rêve

Nous avons partout, tout le temps, réfléchi, mis des mots, encaissé – pas une occasion n’était perdue pour dire.

Nous nous sommes formés à l’accueil de la violence et des émotions fortes.

Nous faisions des binômes de recadrage. Avec pour principe de ne jamais aller seul.e « au front ».

Nous nous sommes entourés de partenaires et de professionnels.

Nous avons trouvé des lieux d’écoute individuels – chacun pour soi – et des lieux collectifs pour l’équipe.

Nous avons ancré dans nos mémoires d’accueillants chaque nouveau petit pas du lien pour attendre patiemment le prochain.

Cela ne veut pas dire que nous sommes passés à l’idéal rêvé. Oh que non !

Mais, cela veut juste dire que nous avons moins souffert du décalage entre le rêve et la réalité. Et, cela veut aussi dire que nous nous sentions outillés pour laisser la possibilité à chacun.e de faire sa propre mélodie, sans chercher à le.la maîtriser.

Cette métaphore ne m’est pas venue toute seule ! Je me suis inspirée de cette vidéo très courte, jolie et éloquente de l’Abej.

Elle parle de tout ça ! Et avant de te la partager, j’ai eu envie de mettre mes mots dessus et te témoigner d’un peu de mon expérience.

Et toi ? Comment vis-tu les accueils / distributions / maraudes ?

Est-ce que cela te parle ? Quel personnage es-tu dans cette vidéo ?

Y-a-t-il un décalage entre ce dont tu rêves et ce que vous vivez dans l’espace où tu interviens ?

Morale de cette histoire : l’harmonie est faite pour l’art de la musique, et la cacophonie va bien à la solidarité et à la société !

Je t’invite à découvrir ma formation : Accueillir, transformer et prévenir la violence.

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